Février est le mois des maladies rares et, à l'approche de notre deuxième Journée des maladies rares, j'ai souhaité partager mes réflexions sur ce qu'ont été ces deux dernières années pour moi, qui vis avec une maladie rare.
En tant que patient atteint d'une maladie rare, les deux dernières années ont été des montagnes russes. Vivre une pandémie mondiale qui évolue en temps réel, tout en jonglant avec des problèmes de santé permanents qui ne cessent d'avoir un impact sur ma vie pendant Covid a été un véritable défi. Il est effrayant d'être médicalement vulnérable alors qu'un virus contagieux frappe le public. Le fait de ne pas savoir quel serait l'impact sur moi, si je le contractais, a été stressant. Ma famille et moi avons modifié nos habitudes quotidiennes et nous avons dû peser les risques et les avantages pour décider comment gérer cette période en famille.
L’accès aux soins pour une personne atteinte d’une maladie rare est déjà ardu en temps normal, en temps de pandémie, quand le système de santé est dépassé, ce l’est encore plus. J’ai trouvé très difficile de recevoir des soins virtuels de la part de plusieurs de mes spécialistes, puisque mon état doit souvent être évalué en personne. Je devais suivre les instructions de mon rhumatologue et examiner moi-même mes articulations avant de lui rapporter au téléphone ce que je ressentais. Je n’étais pas convaincue qu’il pouvait se fier à un tel examen pour prendre des décisions de traitement, mais je n’avais pas d’autre choix… Il y a plusieurs spécialistes que je n’ai tout simplement pas pu voir en personne depuis le début de la pandémie. Ajoutons à tout ça les procédures annulées, les tests repoussés et le fait que comme beaucoup d’autres patients atteints d’une maladie rare, mes maladies ont évolué en raison de ce manque d’accès opportun à mes fournisseurs de soins.
Établir des priorités
Vivre avec une maladie rare m'a appris à toujours peser les conséquences de mes décisions - dans ma vie personnelle comme dans ma vie professionnelle. Avant Covid, si je voyageais pour le travail, je me retrouvais inévitablement avec un rhume à mon retour. Si je voulais passer la journée au parc d'attractions avec mes enfants, je devais passer le jour suivant à me reposer à cause de la douleur et de la fatigue.
La vie pendant la pandémie n’était pas bien différente. Était-ce vraiment important d’aller au restaurant, quand je risquais d’être exposée au virus? Nous avons dû établir nos priorités en famille. Pour nous, notre priorité était que nos enfants puissent continuer de fréquenter l’école en personne. Pour cette raison, j’ai dû réduire mes propres risques d’exposition dans des endroits comme l’épicerie, le centre commercial ou lors d’activités sociales.
Mon environnement de vie a considérablement rétréci au cours des deux dernières années. Je travaille à la maison, je ne sors pas beaucoup à part pour faire un peu d’exercice (je tente de marcher chaque jour) et ma vie sociale se limite à des visites sur la galerie avec mes amis. Je m’ennuie d’aller au bureau, de voir des gens en face et de prendre mes amis et mes parents dans mes bras. Toutes ces interactions quotidiennes que je tenais autrefois pour acquis ont disparu.
Le côté positif
Bien sûr, tout n’est pas noir. Ma famille s’est beaucoup rapprochée (même qu’à certains moments, on passait un peu trop de temps en famille!). Nous avons ralenti, nous sommes sortis du tourbillon dans lequel nous étions avant la pandémie, soit le travail, les voyages d’affaires, trois enfants dans des équipes sportives, des activités sociales, nous ne tenions pas en place. Le fait de ralentir nous a permis de constater la valeur et la nécessité de choisir notre emploi du temps avec intention. Nous disons non beaucoup plus souvent maintenant, ce qui n’est pas nécessairement mauvais. Comme les grands rassemblements familiaux nous ont manqué, nous faisons maintenant un effort conscient pour voir nos parents plus souvent. Nous attachons plus d’importance à nos soupers du dimanche, qui sont maintenant des incontournables. Je suis également très reconnaissante de voir que mes enfants ont pu reprendre leurs activités sportives. Avant la pandémie, reconduire mes enfants au hockey, au flag-football et à d’autres activités était contraignant. Je suis plus présente maintenant et je suis heureuse de pouvoir m’asseoir à la patinoire et de constater leur joie.
En tant que société, il était réconfortant de voir les communautés se relever et se faire vacciner, en appui à nos travailleurs de la santé et dans le but de protéger les personnes médicalement vulnérables et les aînés. Je crois que d’une certaine façon, la pandémie a mis en évidence la valeur et l’importance du système de santé canadien. Nous voyons où sont les failles et savons qu’il est maintenant temps d’améliorer les choses.
Tellement de changements
Pour moi, le changement le plus pénible a été de commencer à travailler à la maison. Je travaillais à l’extérieur de la maison depuis 25 ans. J’adore collaborer et établir des liens avec mes collègues. Les conversations en personne sont très importantes pour moi. J’ai l’impression de perdre ces contacts humains dans les courriels et les messages textes et si les conférences vidéo ont permis de voir les humains de l’autre côté de l’écran, je ressens toutefois encore cette absence de contact. Cela dit, je me suis installée dans une certaine routine que je ne suis pas certaine de vouloir abandonner.
J’ai maintenant beaucoup plus de souplesse et plus de temps pour ma famille puisque je peux planifier mes rencontres avant qu’ils reviennent de l’école ou autour de mes rendez-vous. J’admets ne pas pouvoir laisser le travail de côté, ce qui signifie que je travaille encore de longues heures. Alors qu’avant, je devais sortir du bureau pour aller chercher mes enfants ou revenir à la maison pour souper, je peux maintenant commencer mes journées de travail plus tôt et les finir plus tard. Cette année, je me suis fixé des limites fermes que je tente de respecter, notamment fermer mon ordinateur après ma journée de travail.
Toutefois, les conversations autour de l’abreuvoir me manquent encore. Ces moments ne sont pas les mêmes sur Teams.
Les soins virtuels, ce n’est pas pareil
Je suis une fervente défenderesse des soins virtuels et je suis consciente des avantages que cette solution offre à nos fournisseurs de soins depuis deux ans. Mais certains rendez-vous doivent être faits en personne et je crois fermement que le patient doit avoir le choix de la méthode qui fonctionne le mieux pour lui.
Au cours des deux dernières années, je n’ai pu voir que 3 de mes 11 spécialistes en personne. Je sais que je ne suis pas la seule dans cette situation et je suis convaincue que cela a déjà eu un impact sur les soins que j’ai reçus. Un rendez-vous téléphonique n’est pas la meilleure solution pour la plupart des patients complexes pour des situations autres que le renouvellement d’une ordonnance ou une demande d’analyses de laboratoire. Encore une fois, en passant à des soins strictement en virtuel, nous mettons de côté l’élément humain, et les patients et les aidants se sentent soudainement comme s’ils étaient dans une transaction.
En raison du fardeau imposé sur le système de santé canadien, l’accès aux chirurgies et aux procédures « non essentielles » a été considérablement restreint. Cela a eu un effet négatif sur ma santé. J’attends une procédure chirurgicale de réparation depuis 18 mois déjà et ma qualité de vie diminue un peu plus chaque mois. Je suis reconnaissante de pouvoir encore fonctionner, mais en période d’inconfort ou de poussée, il est désespérant d’entendre qu’il y a plus de 500 000 procédures en attente au Canada.
Les patients atteints de maladies rares sont importants
La COVID est au premier plan des préoccupations de chacun, et avec raison, mais il y a encore 3 millions de Canadiens qui vivent avec une maladie rare. À l’échelle mondiale, ce nombre atteint 300 millions. Bon nombre de ces patients n’ont accès à aucun traitement ou remède. Individuellement, nous sommes en position de faiblesse, mais collectivement, nous sommes plus forts. Nous devons nous concentrer sur l’adoption par le Canada d’une stratégie sur les maladies rares ainsi que sur les essais cliniques et les recherches. Nous devons continuer à échanger les connaissances au sein de la communauté des maladies rares. Nous apprenons tellement de tout ce que nous vivons.